L’esprit de la réforme
En principe, les agents publics doivent consacrer l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. "Ce principe vise d’une part à dissuader les agents de négliger leurs obligations de service (...) et , d’autre part, à éviter que des intérêts extérieurs ne les conduisent à méconnaître l’intérêt général" (Circulaire du 11 mars 2008).
Mais ce principe admet depuis longtemps des dérogations, encadrées par un ensemble de règles "devenu particulièrement complexe, obsolète et en définitive inégalement respecté" (Communiqué de presse du 12 mars 2008).
La loi de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 et son décret d’application du 2 mai 2007 ont défini un nouveau régime de dérogations, présenté de manière très claire par une circulaire du 11 mars 2008 (qui propose quelques exemples de cumuls autorisés ou non).
Les objectifs poursuivis par la réforme sont :
la réponse aux "aspirations nouvelles des agents" et le rapprochement avec le secteur privé (notamment avec l’autorisation de créer son activité, sur le modèle des salariés-créateurs d’activités du secteur privé) ;
l’assouplissement des règles existantes, pour "décloisonner les cultures administratives" (le cumul d’activités publiques étant facilité), mais surtout favoriser une approche pragmatique, "laissant une large place à l’appréciation des situations concrètes au plan local" (en fonction de faisceaux d’indices et de critères déontologiques) ;
la levée de certaines incertitudes, avec une liste des activités susceptibles d’être autorisées à titre accessoire, une procédure d’autorisation à suivre...
Ce qui reste interdit
Tout cumul d’activités susceptible de générer un conflit entre des intérêts privés et l’intérêt général :
les consultations, expertises ou plaidoiries, dans le cadre de litiges contre l’administration ;
la participation aux organes de direction d’une société ou d’une association dont la gestion ne serait pas désintéressée ;
la prise d’intérêts dans une entreprise avec laquelle l’agent peut avoir des relations dans le cadre de ses fonctions.
Ce qui reste autorisé
Certains cumuls d’activités font partie des "libertés essentielles rappelées par la loi" :
la détention de parts sociales ou la gestion de son patrimoine, à condition de ne pas exercer une fonction de dirigeant : il est permis par exemple de mettre en location un bien immobilier, mais pas de diriger une société immobilière ;
l’exercice d’une activité bénévole (le volontariat n’étant pas considéré comme une activité bénévole) ;
la production d’oeuvres de l’esprit (livres, conférences, numéros de cirques, logiciels...)...
D’autres sont traditionnels ou répondent à un besoin particulier :
l’exercice d’une profession libérale en rapport avec son emploi (public) d’enseignant ou d’artiste ;
l’exercice d’un "contrat-vendanges" (d’une durée maximale d’un mois) ;
le cumul de plusieurs activités publiques, à condition d’informer par écrit toutes les parties intéressées, et de ne pas dépasser la durée normale d’un emploi à temps complet (avec une marge supplémentaire de 15% pour les fonctionnaires territoriaux).
Attention : les collaborateurs de cabinets des autorités territoriales ne peuvent pas exercer parallèlement un emploi permanent auprès d’une collectivité ou d’un établissement qui en relève...
Trois nouvelles possibilités
1. L’exercice d’une activité accessoire
Pour qui ?
L’ensemble des agents de la fonction publique d’Etat, territoriale ou hospitalière, qu’ils soient titulaires ou non.
Pour quoi ?
- des expertises, consultations, enseignements ou formations, pas nécessairement en lien avec l’activité normale de l’agent ;
- une activité agricole, mais pas comme gérant d’une société civile ou commerciale (à moins qu’il s’agisse de gérer son patrimoine) ;
- une activité de conjoint collaborateur dans une entreprise artisanale ou commerciale
- des travaux ménagers chez des particuliers, qui peuvent être réglés en chèques emploi service universel (CESU) ;
- l’aide à domicile auprès d’un proche : ascendant ou descendant, conjoint... (ce qui ouvre droit à la perception des allocations correspondantes) ;
- une activité d’intérêt général, lucrative ou non (vacation auprès d’une collectivité, mission pour une association à but non lucratif...) ;
- des travaux d’extrême urgence (pour prévenir un accident imminent, organiser un sauvetage...).
A quelles conditions ?
- L’agent qui envisage d’exercer l’une ou l’autre de ces activités
doit au préalable demander l’autorisation de sa hiérarchie.
- L’autorité dont dépend l’agent statue en fonction du caractère accessoire de l’activité envisagée (rémunération, temps de travail, impact sur le fonctionnement du service...) et de critères déontologiques. L’autorisation de cumul peut être partielle et/ou limitée dans le temps.
- Enfin, l’autorisation n’est pas définitive, puisqu’elle peut faire l’objet d’un retrait (avec éventuel reversement à l’administration des rémunérations perçues) en cas de non respect des règles réglementaires, ou d’une simple abrogation pour l’avenir, si les conditions requises ne sont plus remplies. Une nouvelle autorisation doit être demandée en cas de "changement substantiel" de l’activité accessoire (changement d’employeur ou de périodicité...)
2. L’exercice d’une activité complémentaire
Pour qui ?
L’ensemble des agents de la fonction publique d’Etat, territoriale ou hospitalière (titulaires ou non), à condition qu’ils occupent un poste à temps non complet et que leur temps de travail reste égal ou inférieur au mi-temps.
Attention : L’administration opère une distinction entre un emploi partiel (sur la demande de l’agent, qui en a émis le souhait) et un poste à non complet (créé en fonction des besoins de l’administration). Les agents à temps partiel ne sont pas concernés par cette possibilité.
Pour quoi ?
Toute activité complémentaire, lucrative ou non, ne contrevenant pas aux interdictions citées plus haut (prise de position contre l’administration, participation aux organes de direction d’une société...)
A quelles conditions ?
L’agent n’est pas tenu de demander l’autorisation de sa hiérarchie, mais il est tenu de l’informer. L’autorité dont il dépend doit en effet vérifier que l’activité exercée est compatible avec les obligations de service de l’intéressé.
3. La poursuite, la création ou la reprise d’une entreprise
Pour qui ?
L’ensemble des agents de la fonction publique d’Etat, territoriale ou hospitalière, qu’ils soient titulaires ou non.
Pour quoi ?
- La poursuite d’une activité de dirigeant d’entreprise ;
- La création ou la reprise d’une entreprise.
A quelles conditions ?
L’agent doit informer au plus tôt l’autorité dont il dépend, qui autorise ou non le cumul d’activités après consultation d’une commission de déontologie. Le cumul peut être autorisé pour une durée d’un an renouvelable un an. Et dans ce cas, "l’autorisation d’accomplir un service à temps partiel est accordée de plein droit, même si l’agent peut choisir de rester à temps plein" (Circulaire du 11 mars 2008).
Quelques cas particuliers
Ce régime d’autorisations ne s’applique pas aux militaires, aux magistrats ou aux fonctionnaires des assemblées parlementaires.
Il ne s’applique pas non plus aux agents en congé parental (ce qui peut justifier un refus ou une fin anticipée de congé).
Des règles particulières continuent de régir le cumul d’activités pour un architecte ou un médecin hospitalier.
D’autre part, le décret du 2 mai 2007 rend possible la mise en place de règles restrictives pour certaines catégories d’agents publics.
A noter !
Les autorités compétentes ont jusqu’au 2 mai 2009 pour "confirmer expressément les autorisations de cumul accordées" jusqu’ici.
A défaut, "les autorisations de cumul correspondantes sont abrogées" (Circulaire du 11 mars 2008).
En cas de non respect des règles encadrant le cumul d’activités, les sanctions prévues peuvent comporter le "reversement des sommes indûment perçues, par voie de retenue sur le traitement".
Textes de référence :
Loi n°2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique
Décret n°2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’Etat
Circulaire n°2157 du 11 mars 2008 relative au cumul d’activités (...) des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’Etat
Communiqué de presse du Ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, le 12 mars 2008